Le Royaume Lanna Thai
Il est impossible de dissocier l’histoire de Chiang Mai de celle du Royaume Lanna Thaï: de par sa situation géographique particulièrement exposée et la pluralité ethnique de son peuple, le nord de la Thaïlande s’est montré hermétique aux tentatives d’union initiées par les différentes dynasties qui se sont succédé en Thaïlande et en Birmanie. Ce n’est qu’en 1262, lorsque le roi Mengrai fonda le royaume Lanna, que les différentes principautés et autres cités-Etats s’inscriront dans une dynamique quasi-fédérale, réunies par la volonté de se protéger de la menace mongole.
Le royaume Lanna s’étendait sur les provinces actuelles de Chiang Mai, Chiang Rai, Lampang, Lamphun, Prae, Nan, Phyao et Mae Hong Son, avec quelques légers débordements sur le sud de la Birmanie et le nord-ouest du Laos…
De la légende à l’Histoire, en passant par la protohistoire
C’est à Camille Notton, d’abord interprète à l’ambassade de France à Bangkok puis vice-consul de France à Chiang Mai, au début du 20e siècle, que nous devons les traces écrites des origines légendaires du royaume Lanna. Sa traduction commentée de la chronique de Suvanna Khamdaeng est longtemps passée inaperçue avant sa réédition en 2002. Notton nous explique que la tradition locale attribue à Suvanna Khamdaeng la fondation du royaume Lanna, « dont la prospérité fut le fruit de sa grande sagesse ».
Pour unir les tribus sous sa bannière, il aurait fait usage de ses connaissances théologiques en prêchant les 5 fondamentaux du bouddhisme. Selon la chronique, il aurait eu 15 successeurs, dont un certain Mengrai, fondateur « historique » du royaume. Bien entendu, cette origine légendaire n’est étayée par aucune autre source documentaire et est, à ce titre, considérée comme un mythe traditionnel de la culture locale.
Pour quitter la protohistoire et investir le champ historique, il faut avancer au 13e siècle, en 1259, date à laquelle Mengrai se verra sacré Roi à la mort de son père. Il a alors 21 ans, et peut compter sur sa descendance doublement royale pour exercer son pouvoir. Deux ans plus tard, Le Roi Mengrai conquerra Chiang Rai et en fera sa capitale. Fort d’un sens aigu de la diplomatie, fin stratège et négociateur hors pair, il jouera les intermédiaires pour réconcilier Ramkahamhaeng et Ngam Muang, monarques respectifs du Sukhothaï et du Phayao à l’occasion d’un litige conjugal. Il en profitera pour signer un traité de paix avec ces royaumes afin d’organiser la défense contre la menace d’une invasion mongole imminente.
Sa politique d’expansion territoriale se matérialisera par de nombreuses conquêtes et invasions, mais aussi et surtout par des alliances et des ententes avec les cités-Etats de la région. Il s’emparera ainsi de Lamphun en 1290 et du Haripunchaï en 1292.
En 1294, la nouvelle cité de Wiang Kumkan fera office de capitale du royaume Lanna pendant une période très brève. Celle-ci sera en effet proie à des inondations constantes, et cédera sa place de choix à Chiang Mai, que le roi Mengrai fera construire en 1296, sur un emplacement géographiquement sûr, à l’écart de la route des Mongols en direction des Indes et de la Bactriane. Le climat y est favorable, les terres y sont fertiles et la ville est irriguée par les cours d’eau de l’ouest.
Fortifiée, Chiang Mai devient le centre névralgique du royaume Lanna, qui se substituait peu à peu aux petites principautés isolées. Pour peupler sa capitale, le roi Mengrai invitera ses sujets, notamment les paysans, à emménager à Chiang Mai pour y cultiver le riz et le bétel.
Après le décès de Mengrai Le Grand en 1317, le Lanna connaîtra d’interminables guerres de succession, et tombera sous l’occupation birmane en 1558, dont il ne se libérera que deux siècles plus tard, en 1774. Le royaume subsistera alors jusqu’en 1884, date à laquelle il sera définitivement annexé au Siam sous le règne du roi Rama V, qui épousera en « mariage de raison » une princesse royale de Chiang Mai (la princesse Dara Rasmi).
La Culture Lanna : Entre Résistance et Déclin
Malgré son histoire en dents de scie, son déclin fulgurant et l’occupation birmane qui réduira Chiang Mai en une ville fantôme, le royaume Lanna a légué un héritage culturel étonnant dont les matérialisations sont encore aujourd’hui omniprésentes au Nord de la Thaïlande. Cette résistance est d’autant plus surprenante lorsque l’on sait que les gouvernements qui se sont succédé au royaume de Thaïlande ont œuvré pour uniformiser les traditions locales et les intégrer à la « culture nationale thaïlandaise ». Aujourd’hui, la faible densité du réseau ferroviaire, les hauteurs montagneuses et l’hétérogénéité de la population locale sont le gage d’une certaine authenticité culturelle.
L’art textile est sans doute la manifestation culturelle la plus illustre du royaume historique. Il est principalement matérialisé par la Moh Hom, une chemise typique du Nord, que les habitants portent pendant les cérémonies traditionnelles, les défilés mais aussi pour aller au travail.
La gastronomie Lanna, diamétralement opposée à celle du centre ou du sud du royaume, boude les épices fortes et fait la part belle aux saveurs légères, parfois sucrées. Le piment doux, le gingembre frais, le galanga et le poivre noir sont des incontournables des mets traditionnels.
Bien qu’ils aient bénéficié d’un certain appui de la part du gouvernement thaïlandais depuis le milieu du 20e siècle, la danse et les chants traditionnels Lanna ont accusé un déclin fatal. Ainsi, en 1996, le militant associatif Chatchawan Thongdeelert rassemblera les acteurs de la sphère culturelle et académique de la région pour sauver ces formes d’art de la disparition. C’est dans ce dessein que le festival Suepsan Lanna sera créé, avec une première édition dès 1997, avec l’objectif de redonner à la culture Lanna Thaï ses lettres de noblesse.
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