La Tribu Yao Mien: Origines et Aspects Culturels
A l’image de leurs compatriotes Hmongs, les flux migratoires des Yaos ont principalement été dictés par la persécution dont ils ont été victimes, d’abord dans leur Chine natale sous le joug du gouvernement Guangdong à la fin du 19e siècle, puis par le pouvoir laotien au lendemain de la guerre civile.
Aujourd’hui, les Yaos font partie des minorités ethniques officiellement reconnues par la République populaire de Chine et par le Vietnam. De petites communautés Yao subsistent à l’extrême nord du Laos et dans les hauteurs montagneuses du nord de la Thaïlande, où ils font partie intégrante des tribus des collines, sous le nom de « Mian ».
Les Yaos de Thaïlande revendiquent une supériorité ethnique sur les autres peuples des collines, malgré leur effectif relativement réduit, en raison de leur supposée ascendance chinoise. Pourtant, la tradition chinoise leur attribue des origines peu flatteuses. Explications…
Origine et histoire de la Tribu Yao Mien
Les premières traces du peuple Yao remontent à 2 500 ans avant Jésus Christ. Selon la tradition chinoise, les premiers Laos sont les descendants de la fille d’un empereur chinois et d’un chien (sic) qui l’aurait sauvée lors d’une invasion ennemie. Pour le remercier d’avoir sauvé son unique enfant, l’empereur lui « offrit » la main de sa fille.
Plus objectivement, les académiciens occidentaux et chinois pensent que les Yaos sont devenus un groupe ethnique distinct au cours du règne de la dynastie des Tang, il y a plus de 3 000 ans. C’est d’ailleurs durant cette période que le terme « Mo Yao » sera utilisé pour la première fois afin de désigner les habitants des montagnes de la région Hunan et du nord de Guangdong.
20 siècles plus tard, sous la dynastie Yuan (1279 – 1368), les Yao entameront leur premier mouvement migratoire vers le sud pour échapper aux invasions mongoles, mais aussi aux escarmouches et aux accrochages croissants qui les opposaient aux chinois du Nord.
Les premières migrations hors de Chine seront catalysées par le commerce croissant de l’opium, mais aussi par les révoltes de plus en plus violentes des peuples du Sud. C’est ainsi que les Yaos prendront la direction de la Thaïlande, du Cambodge et du Laos à partir du 15e siècle.
Une grande partie des Yaos restés en Chine participeront par la suite à la Révolte des Taiping contre la dynastie des Qing. Certains historiens considèrent cette guerre civile comme étant le conflit le plus meurtrier de tous les temps, avec quelque 30 millions de morts. Par la suite, les Yaos tenteront tant bien que mal de résister aux tentatives appuyées des nationalistes Kuomintang de les assimiler à la culture chinoise.
L’histoire contemporaine des Yaos de Chine marquera un début de prospérité économique et culturelle. Dès la création de la République de Chine en 1949, le gouvernement établira 12 comtés autonomes pour les Yaos, tout en leur donnant accès à l’éducation et à la formation dans les domaines sécuritaire, agricole et politique. Dans les années 1980, le gouvernement poursuivra le développement des infrastructures dans les comtés Yao, en installant des réservoirs d’eau et des centrales hydroélectriques. Les régions montagneuses seront également aménagées pour promouvoir l’industrie du bois, mais aussi pour accueillir les touristes.
Au cours de la guerre civile laotienne, qui s’étala de 1962 à 1975, les différentes composantes du peuple Lao s’allieront aux forces américaines. Les documents diplomatiques des officiers américains qualifieront les Yaos de « force amie efficace ». A la fin de la guerre, les communistes du Pathet Lao s’emparent du pouvoir, et s’en prennent aux Yaos en représailles. Cet épisode marquera le début de leur migration en Thaïlande voisine où ils seront intégrés au peuple des collines, mais également aux Etats-Unis, principalement au nord de la Californie.
Langue et Religion du Peuple Yo Mien
Comme les autres groupes ethniques de la région, les Yaos parlent une langue issue de la famille sino-tibétaine.
Le Yao se décline en de nombreux dialectes, parfois très différents, au point qu’il est souvent laborieux pour deux sous-groupes de se faire comprendre sans passer par la lingua franca. Le Yao ne peut être retranscrit par écrit.
La tradition Yao voudrait que les Anciens aient fait bouillir tous leurs livres avant de les manger pour survivre aux épisodes répétés de famine. Aujourd’hui, les Yaos utilisent l’alphabet chinois pour retranscrire phonétiquement leur langue.
Le Nushu, un système textuel répandu au sud-ouest de la province chinoise de Hunan, est sans doute le seul langage au monde réservé aux femmes. Ce système fut créé par des anonymes pour permettre aux femmes de communiquer entre elles, au moment où elles n’étaient pas autorisées à se scolariser. Au milieu des années 1960, une femme Yao de la province Hunan s’évanouit dans une gare. La police chinoise fouillera ses affaires et retrouvera un bout de papier sur lequel figure un texte visiblement codé. Elle sera par la suite arrêtée et jugée pour « espionnage ».
Ce n’est qu’au milieu des années 1980 que le Nushu sera appréhendé par des experts. Cette histoire fera d’ailleurs la Une du Guardian en novembre 2011. Selon le gouvernement chinois, 40% des Yaos de Chine sont analphabètes ou semi-analphabètes (2002).
Les Yaos sont traditionnellement animistes, shamanistes et adeptes du culte des ancêtres. La religion Yao est fortement impactée par le taoïsme, le bouddhisme et le christianisme. La maladie est perçue comme étant la matérialisation de la perte de l’âme, volée par un mauvais esprit ou perdue suite à un châtiment divin. Les guérisseurs organisent des cérémonies propitiatoires, où des bouts de papiers énumérant les noms des mauvais esprits suspectés sont brûlés.
La mort d’un Yao est souvent annoncée par un coup de feu. Le corps est alors lavé, habillé et placé dans un cercueil en bois. Les Yaos pratiquent des rites crématoires et placent les cendres dans un pot confectionné par un shaman conformément aux enseignements des livres sacrés.
Mariage et structure familiale
Les Yaos ne voient pas d’inconvénient aux mariages inter-claniques. Les couples se forment le plus souvent par amour, mais nécessitent l’aval des parents et doivent impérativement présenter des compatibilités astrologiques. De nombreuses fêtes sont organisées pour offrir aux jeunes une chance de rencontrer des personnes du sexe opposé.
Les mariages Yao sont élaborés, parfois fastueux, et sont rythmés par des chants traditionnels et des danses folkloriques. Les divorces et les remariages sont autorisés.
Le foyer Yao est foncièrement similaire à celui des Lisus : les mariés emménagent le plus souvent pour vivre en dehors du foyer familial, à l’exception du benjamin de la famille qui reste dans la maison de ses parents avec sa femme et ses enfants. Il est destiné à reprendre la maison à la mort de son père, et à assurer l’entretien de sa mère et la réalisation des tâches fermières dans la parcelle familiale. Les maisons Yao typiques sont rectangulaires et construites en bois et bambou. Elles sont constituées d’une pièce centrale et deux dortoirs latéraux, chacun équipé d’un petit four.
La société Yao est patrilinéaire, dans la mesure où chacun relève du lignage de son père, notamment pour la transmission de la propriété, du nom de famille et des titres. Les villages sont dirigés par des chefs qui ont hérité cette position de leurs pères.